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Employé avec équipement de protection dans une usine

FactoryLab, le laboratoire d’innovation des géants industriels français

18 nov. 2018 - 4 min

En créant FactoryLab, avec Naval Group, PSA ou Safran, le Commissariat à l’Energie Atomique a imaginé un nouveau mode d’innovation collaborative et pragmatique. Cette plateforme mise sur des projets courts de quelques mois rapidement industrialisables. Bureau Veritas, qui a rejoint l’initiative en 2017 pour apporter une vision différente, transverse et axée sur la sécurité et la certification, raconte les coulisses.

Un cobot manipulant des charges lourdes avec une précision submillimétrique. Une montre connectée envoyant des messages vibrosensoriels à son utilisateur, opérateur d’une chaine de production automobile, pour lui indiquer des actions spécifiques pour chaque véhicule. Un référentiel d’évaluation des robots, aidant les industriels à analyser les offres des fournisseurs, accompagné d’un guide d’aide à la décision et un banc test… Toutes ces différentes solutions, et bien d’autres, sont nées au sein de FactoryLab, une plateforme créée par le CEA, véritable laboratoire d’innovation de l’industrie française.

« FactoryLab est né d’un double constat. D’une part, l’innovation est devenue extrêmement rapide et les entreprises doivent s’organiser pour ne pas se laisser distancer. D’autre part les industriels évoluant dans des filières différentes partagent des enjeux communs. Alors a émergé l’idée de mutualiser les ressources, pour optimiser les dépenses en R&D, avec un concept nouveau : un “hôtel à projets“ dont l’ambition est de développer des solutions opérationnelles répondant à des besoins réels, et de défendre la compétitivité de notre industrie », explique Frédéric Amblard, Directeur de FactoryLab.

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Ouvrier met en place un bras articulé

Chez Safran, le bras articulé du cobot mis en place grâce à Factorylab, permet la manipulation précise des charges de plus de 60 kg.

 

Innover tout en restant terre à terre.

Le Factory Lab s’est imposé un cahier des charges draconiens pour respecter ce double objectif. Pour être lancé, un projet doit être porté par un minimum de 3 industriels partenaires, partageant une problématique commune. Cela impose de prendre du recul et de décrire la problématique d’une façon plus générique, afin de couvrir le besoin de ces trois industriels. Mais cela garantit aussi et surtout aux PME en soutien technique de développer y trouvent l’assurance de développer des solutions bénéficiant d’un réel marché, dans différentes filières

En clair, des solutions commercialisables, et dans un délai court, puisque les projets doivent aboutir aux livrables attendus en 12 mois maximum. Pour cela, une certaine maturité technique est exigée pour les technologies pressenties. Elles doivent être évaluées au moins à 6 sur l’échelle TRL (Technology Readiness level) qui en compte 9, c’est-à-dire avoir au moins atteint la phase de prototypage.

« Malgré cette sélection qui peut sembler exigeante des projets, qui doivent à la fois rassembler différents secteurs d’activité et revendiquer une maturité technique relativement avancée, nous avons plus de sujets potentiels que nous ne pouvons en lancer, faute de temps ou de budget. Une nouvelle sélection est donc réalisée par le Bureau exécutif, qui passe en revue tous les sujets proposés lors de ses réunions mensuelles » explique Philippe Jeanmart, Senior Vice President Division Industry & Facilities in charge of Technique, Quality & Risks chez Bureau Veritas, et membre du Bureau Executif de Factory Lab.

Et grâce à cette sélection stricte en amont, les solutions nées au sein de Factory Lab sont toujours aisément transposables. Par exemple, parmi les projets en cours, on trouve un démonstrateur de manutention automatique. Il vise à simplifier l’assemblage d’un moteur d’avion, grâce à l’utilisation d’un bras mécanique articulé. Ce projet, porté particulièrement par Safran, pourra s’adapter à une multitude de cas techniques dans l’industrie.

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Ouvrier scanne une pièce de métallurgie via une tablette

Le contrôle des pièces se fait par réalité augmentée chez Navalgroup : si la pièce ne respecte pas la courbure assignée par l’image 3D, elle est renvoyée.

 

Numériser les objets pour mieux les contrôler

Autre exemple ? Un projet a pour objectif l’élaboration d’un procédé de numérisation d’un objet, capable de générer une image 3D à partir de photos numériques. Ce procédé est destiné au contrôle de canalisations complexes pour Naval Group : si l’image 3D de la canalisation fabriquée peut être parfaitement superposée à sa maquette numérique, la forme sera validée. Sachant que cette superposition s’effectue en temps réel sur le terrain, grâce à la réalité augmentée, l’intérêt pour l’industriel est évident. Mais une fois encore, un grand nombre d’applications peuvent être imaginés, dans différents secteurs, pour une telle solution.

L’enjeu du FactoryLab est en effet alléchant pour les industriels qui ont rejoint l’aventure. Il se concentre sur les thématiques de l’industrie 4.0, telles que l’industrie digitale flexible, l’assistance physique et cognitive aux opérateurs et le contrôle avancé. Afin de développer dans ces différents domaines des solutions innovantes et rapidement industrialisables, la plateforme réunit sur chaque projet différents types de partenaires.

Il y a d’abord les grands groupes industriels qui expriment des besoins précis, illustrés par des cas d’usage. Ils apportent également un soutien financier, des moyens humains et du matériels. Viennent ensuite les fournisseurs des solutions techniques, pour apporter la réponse concrète et rapide au besoin exprimé. Enfin, les laboratoires de recherche partenaires, du CEA, du CETIM et de l’ENSAM, apportent expertises les technologies innovantes.

Evaluer une technologie, mais aussi la façon dont elle est utilisée

Inauguré en septembre 2016 sous l’impulsion du CEA, le FactoryLab a d’emblée compté sur cinq membres fondateurs de gros calibre, à savoir Actemium, Dassault Systèmes, PSA, Safran et Naval Group (à l’époque DCNS), qui ont entraîné à leur tour dans l’aventure des PME issues de leurs écosystèmes respectifs. Rapidement, Vinci Construction rejoint l’initiative. Au printemps 2017, Bureau Veritas est devenu partenaire à son tour, apportant à la fois une vision transverse et différente des problématiques industrielles, et la dimension certification. En tant qu’utilisateur final, Bureau Veritas bénéficiera du développement d’outils utilisables à la fois dans un contexte industriel, pour des questions de maintenance par exemple, et pour l’inspection des équipements.

Mais en s’impliquant dans le développement d’un outil de l’industrie 4.0 dès les premières phases de conception, Bureau Veritas apportera aussi son expertise en matière de sécurité, de qualité et de certification. Cette expertise permettra à l’équipe projet d’envisager très en amont la sécurité de son déploiement sur le terrain – voire sa certification.

« Evaluer une nouvelle technologie ou un nouvel outil, c’est aussi envisager son intégration dans l’entreprise. C’est notre savoir-faire : pour apprécier une technologie, nous nous interrogeons aussi sur la façon dont elle sera utilisée, afin de détecter les éventuels risques nouveaux pour le salarié ou l’entreprise » rappelle Philippe Jeanmart, de Bureau Veritas.

Résoudre un problème peut en soulever un nouveau

Certains projets peuvent en effet faire émerger des problématiques sous-jacentes. Un exemple ? La montre connectée utilisée sur la chaine de production, qui entre dans la sphère de l’IoT (Internet of Things), pose la question de la cybersécurité dans l’entreprise. Un nouveau projet, complémentaire, a donc été lancé, pour définir les exigences de sécurité à respecter lors de l’intégration d’objets connectés dans le système d’Information de l’entreprise. De même les robots collaboratifs, faits pour travailler avec et donc à proximité des hommes, posent une question de sécurité : comment protéger l’homme qui pourrait se trouver sur la trajectoire du robot, se faire bousculer ou percuter par ce dernier? 

Et si les projets visent généralement à améliorer la productivité, la qualité ou la sécurité, les aspects humains de l’industrie ne sont pas négligés. Ainsi, convaincu que l’appropriation des outils innovants par les opérateurs passe par la sensibilisation du middle management, FactoryLab s’implique aussi dans la formation. Ainsi l’école des Arts et Métiers, son partenaire académique, a développé des modules de formation destinés aux opérationnels des sites industriels. Ces modules – consacrés à l’interopérabilité et la continuité numérique, à la réalité virtuelle et la réalité augmentée, les robots et cobots, à la conduite du changement, et enfin au contrôle non destructif – sont dispensés par l’école depuis juin 2018.

Philippe
Jeanmart

Senior VP Division Industry & Facilities in charge of Technique, Quality & Risk

Bureau Veritas

Au sein du Bureau Exécutif, les échanges sont de haut niveau et permettent de confronter différentes visions de l’industrie 4.0. »

 

Plus qu’une plateforme d’innovation, une communauté d’échange

Avec ses projets courts et sa volonté d’élaborer des solutions rapidement industrialisables, FactoryLab se différencie clairement des autres dispositifs d’innovation. « En mutualisant nos forces, nous nous enrichissons individuellement et collectivement. Mais nous avons aussi initié un nouveau mode de collaboration, et construit une communauté dont le succès tient à la bienveillance des échanges, possible car les groupes partenaires, au sein de Factory Lab,  ne sont jamais des concurrents. Et pour conserver cette bienveillance, ainsi que notre agilité et notre pragmatisme, Factory Lab restera à taille humaine, avec un nombre limité de partenaires » explique Frédéric Amblard.

Ultime atout de FactoryLab : l’engagement fort des entreprises partenaires, qui délèguent auprès de la plateforme des interlocuteurs opérationnels : ils sont directeurs industriels, ou responsables de l’industrie 4.0… « Alors au sein du Bureau Exécutif, les échanges sont de haut niveau et permettent de confronter différentes visions de l’industrie 4.0, de partager des points de vue sur les problématiques présentées par les partenaires industriels. Cela nous fait progresser dans la compréhension des enjeux de l’industrie 4.0, collectivement et individuellement : ce sont des moments riches et formateurs » témoigne Philippe Jeanmart.

Tout ce qu’il faut savoir sur le FactoryLab

  • Inauguré en septembre 2016 sous l’impulsion du Commissariat à l’énergie atomique, il compte cinq membres fondateurs (Actemium, Dassault Systèmes, PSA, Safran et Naval Group). Bureau Veritas puis Vinci Construction ont rejoint l’initiative depuis.
  • Un projet n’est lancé que s’il correspond à une problématique rencontrée par au moins trois industriels partenaires.
  • Tous les projets doivent déboucher sur une solution concrète et commercialisable en 12 mois maximum.

 


 

3 questions à …
…Jean Sarete,  Direction Technique et Performance Exploitation - Responsable Métier CND chez Bureau Veritas

Comment les projets de Factory Lab sont-ils supervisés ?

« Les différents projets de Factory Lab sont répartis en 4 thématiques : l’industrie digitale flexible, le contrôle avancé, l’assistance physique aux opérateurs et enfin l’assistance cognitive aux opérateurs. Chaque thématique est copilotée par un représentant des grands groupes industriels et un représentant côté innovation. Je copilote ainsi, pour Bureau Veritas et avec une personne du CEA, le thème 4 : Assistance cognitive aux opérateurs. 

En quoi consiste cette fonction ?

« Les « copilotes » assurent l’animation du groupe, facilitent l’émergence des idées, le management du thème (suivi financier, planning, suivi des projets…) ou encore le reporting, mais n’ont pas de pouvoir de décision : le management des groupes thématiques est toujours collectif et consensuel ! 

Dans son fonctionnement, Factory Lab adopte ainsi une organisation ‘’pyramidale mais démocratique’’ : les prises de décision  et les arbitrages sont faits par le Bureau Exécutif, à l’écoute et sur la base des remontées de projets par les équipes thématiques. Tout se passe de façon très naturelle, dans un esprit de coopération. »

Comment se traduit cet « esprit de coopération » qui règne au sein de Factory Lab ?

« Par exemple, tous les membres de Factory Lab ont accès à toutes les informations relatives à tous les projets, peuvent et n’hésitent pas à donner des avis ou à faire des suggestions sur les projets auxquels ils ne participent pas directement. Mieux encore, lors des rencontres et réunions de travail, les échanges vont toujours bien au-delà des projets en cours ou des thématiques. Il arrive parfois d’avancer sur des sujets «hors projet» en échangeant de façon informelle avec un partenaire qui a résolu une problématique proche dans son entreprise. 

Ces échanges d’expérience et de vécu professionnel sont enrichissants et stimulants, d’autant plus que les techno-providers rejoignent ou quittent Factory Lab au fil de leur participation aux projets. Ils apportent ainsi du «sang neuf» et de nouveaux points de vue.

Factory Lab est au final un bouillonnement d’idées permanent, dans un esprit de bienveillance collaborative et de transparence. Un concept rare et pourtant particulièrement efficace ! »


 

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