Véhicules à guidage autonome et sécurité :
L’usine du futur ? C’est dès aujourd’hui pour Danone !
A l’ère de l’industrie 4.0, comment concilier autonomie croissante des machines et sécurité au travail ? Quelques éléments de réponse trouvés au sein des usines Danone. Les explications du MagBV.
En 2015, le projet « Industrie du Futur » est lancé. Son objectif : moderniser l’outil industriel français en accompagnant sa transformation numérique. Près de 5 milliards d’euros étaient mobilisés pour favoriser l’acquisition d’équipements robotiques, le développement de logiciels tous azimuts, ou encore le déploiement de l’intelligence des objets. Alors que l’économie du pays est durement touchée par la crise sanitaire, il importe de continuer à investir dans l’usine du futur. Le plan France Relance, dans son volet compétitivité et innovation chiffré à 40 milliards d’euros, consacre ainsi 400 millions d’euros à la numérisation et à la robotisation de l’industrie. La volonté des pouvoirs publics rejoint celle de certaines sociétés engagées dans l’ère de l’industrie 4.0 depuis longtemps.
Des dizaines de véhicules autoguidés
Le site Evian, certifié neutre en carbone et alimenté 100 % en énergies renouvelables, abrite la plus grande usine d’embouteillage d’eau minérale naturelle du monde. Il s’étend sur 130 000 m2 et produit près de 6 millions de bouteilles par jour. Entre 2011 et 2020, Danone a décidé de consacrer près de 280 millions d’euros à la modernisation de cette usine. Des dizaines de véhicules autoguidés innovants (AGV en anglais pour Automatic guided vehicle) ont ainsi été fournis par Elettric80. Ils ont depuis été déployés, explique Thibault Gerville, ingénieur de projet chez Danone « au transport des palettes de la zone de production à celle de stockage ». Ces chariots élévateurs autoguidés peuvent ainsi transporter deux palettes de 1 200 kg, depuis les convoyeurs des bouts de lignes, qui seront chargées dans les camions ou wagons, au départ de la gare privée de l’usine.
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Ces AGV sont dirigés par un logiciel de gestion, qui leur indique leurs missions et pilote le trafic entre les différentes machines. Grâce au guidage laser, les véhicules connaissent leur position dans l’usine. « Ces machines sont équipées de capteurs, précise David Inacio, Product Manager chez Bureau Veritas, qui vont détecter les choses qui les environnent. Ils déploient un champ virtuel autour de la machine qui va la stopper si quelque chose pénètre dans ce champ ». L’enjeu de la sécurité n’est pas mineur : les AGV se déplacent à près de 5km/h et pèsent plusieurs tonnes en charge, ce qui représente, rappelle Thibault Gerville, « de véritables risques de collision, d’écrasement ou de chute de charge qui doivent être travaillés et maîtrisés en amont car ces véhicules peuvent être en interaction avec des salariés ».
L’enjeu de la sécurité physique
La problématique, selon David Inacio, est que les AGV « sont parfois commercialisés comme du « plug and play », comme s’il suffisait de les mettre en route pour qu’ils fonctionnent tout seul. Notre rôle d’accompagnement est de faire comprendre au sein des équipes projets que ces machines a priori simples, sont au contraire parmi les plus complexes à intégrer ». Pour cela, il faut envisager tous les scénarii possibles dans lesquels peuvent se retrouver les AGV, identifier les situations dangereuses correspondantes puis définir et programmer leur comportement en conséquence.
Comment faire, en effet, pour que les véhicules autoguidés qui détectent un obstacle fassent la différence entre un homme qui vient vers eux, un autre AGV croisé, ou le socle sur lequel ils vont prendre la palette ? Comment sécuriser la zone de chargement ? A ces questions, David Inacio indique « qu’il est essentiel de bien travailler en amont avec les fabricants et l’industriel sur les analyses de risques, évaluer les séquences d’approche et de freinage. Ensuite, il est également important de déployer les moyens nécessaires sur le terrain comme, par exemple, une signalétique adaptée permettant à chacun de travailler en toute sécurité ». Pour ce faire, forts de leurs 200 projets réalisés en commun depuis 2017, Bureau Veritas, Danone et le constructeur leader d’AGV, Elettric80, ont mis au point un standard de sécurité applicable pour l’ensemble des machines AGV utilisées par le géant de l’agroalimentaire.
Un standard de sécurité unique
Danone a travaillé pendant plus d’un an et demi avec Bureau Veritas et le constructeur d’AGV pour évaluer l’ensemble des risques, et trouver les meilleurs principes ainsi que les moyens nécessaires d’y répondre pour chaque nouveau projet et nouvel environnement de travail. L’ingénieur de Danone explique ainsi que l’objectif était de « standardiser les moyens de prévention sur les systèmes de l’AGV, pour qu’ils soient communs d’un fabricant à l’autre, afin que chacun de nos sites travaillent dans la même voie». Une grande partie de ces solutions reposent sur la programmation du champ virtuel autour de la machine et la définition des séquences fonctionnelles de l’AGV. Ainsi, la portée ou l’angle du balayage réalisé par les capteurs de la machine peuvent être modifiés : par exemple, quand la machine tourne, le champ est élargi sur les côtés pour détecter l’éventuelle présence d’un obstacle, et rétrécit quand elle roule en ligne droite, pour ne pas s’arrêter si quelqu’un passe à côté d’elle, hors de sa trajectoire.
Ainsi, dans ce standard, plusieurs séquences et règles ont été mises au point pour réduire les situations dangereuses : les flux de circulation sont rationalisés, les convoyeurs sont adaptés pour que l’AGV ne les détecte pas comme un obstacle, la machine ne peut pas rouler avec une charge non sécurisée, ou encore la phase d’approche est décomposée pour réduire les situations d’inhibition des champs. « Les experts machine de Bureau Veritas, et le constructeur d’AGV avec son expertise avancée et reconnue dans la sécurité, ont ainsi pu mettre au point avec Danone un standard robuste » se félicite David Inacio.
Dans le futur, avec le développement de l’intelligence artificielle apprenante et la multiplication des AGV créant une interdépendance des flux usine, ces enjeux de sécurité devront s’étendre de plus en plus vers la dimension de sûreté, un nouveau défi pour les industriels et sur lequel les experts machines et cybersécurité de Bureau Veritas travaillent déjà étroitement.