Comment passer de la production de bière ou de produits cosmétiques au gel hydro-alcoolique ?
Pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19, de nombreuses sociétés ont entrepris de produire du gel hydro-alcoolique, afin d’équiper les établissements médicaux notamment. Bureau Veritas France les aide à adapter leur outil de production et s’assure que ces modifications ont lieu en toute sécurité.
N’est pas “hydro-alcoologue” qui veut ! Pour faire face à la pandémie de Coronavirus qui touche la presque totalité du monde, et plus particulièrement la France, les conditions sanitaires sont devenues drastiques. Et la demande en gel hydro-alcoolique explose, afin de permettre au plus grand nombre de se désinfecter les mains. A tel point que la pénurie touche les pharmacies, et même certains hôpitaux !
Pour satisfaire la demande, de nombreuses entreprises dotées d’un appareil productif exploitable se proposent pour fabriquer ce précieux liquide. Elles adaptent alors leurs lignes de production. Mais fabriquer un tel gel n’est pas anodin. Cela demande de réaliser quelques modifications et de se plier à des règlementations précises, ce qui n’est pas facile, surtout dans l’urgence.
“L’alcool est un produit fortement inflammable. Et même si les entreprises qui décident de modifier leur production pour fabriquer du gel hydro-alcoolique sont souvent habituées à manipuler des matières dangereuses, elles doivent s’assurer qu’elles maîtrisent les risques ”, explique Xavier Touffut, chef de service pour Bureau Veritas France spécialisé dans les risques industriels, la sécurité des procédés et substances dangereuses. Bureau Veritas Exploitation vient alors les aider à éclaircir ces règles et auditer les procédés de fabrication. Le but ? S’assurer que le produit fini est conforme aux directives européennes- qu’il est efficace et non dangereux pour les utilisateurs - et réalisé en toute sécurité, pour les employés et l’environnement. Il ne faudrait pas, même sous couvert de bonne volonté, produire un gel qui génère un risque pour les opérateurs et l’environnement...
Un maître-mot : la solidarité
“Nous sommes alertés dès qu’un acteur industriel décide de se diversifier via notre outil de veille, qui passe en revue la presse locale, explique Christelle Pasquet, chargée du développement commercial et du marketing Bureau Veritas Industrie. Nous pouvons alors lui proposer nos services. En ce moment, nous recevons entre 15 et 20 alertes par jour, des grandes entreprises du monde de la cosmétique, mais aussi des laboratoires biologiques ou des brasseries locales. Le plus souvent, ce sont des entreprises qui manipulent déjà de l’alcool.” Les parfumeurs, fabricants de cosmétiques ou alcooliers, peuvent plus facilement adapter leurs machines, et sont déjà familiarisés avec les matières premières inflammables.
“Souvent, les industriels décident de produire du gel hydro-alcoolique pour leurs propres besoins et en profitent pour en fabriquer davantage afin de délivrer le surplus aux établissements de santé alentour : les Ephad, les hôpitaux, les médecins... D’autres décident spontanément de participer à l’effort collectif, de se diversifier et d’offrir gracieusement leurs productions à ces mêmes établissements”, détaille Clément Poutriquet, ingénieur commercial pour Bureau Veritas au département maîtrise des risques industriels.
Facilités administratives
Produire du gel hydro-alcoolique n’est pas un procédé complexe en soi. “La recette officielle est réglementée par l’OMS et nécessite quelques ingrédients : le glycérol, l’éthanol (l’alcool), le peroxyde d’hydrogène (de l’eau oxygénée) et de l’eau. Le fabriquer consiste essentiellement à les mélanger en bonne proportion et les diluer convenablement”, détaille Xavier TOUFFUT. Mais cela demande de stocker et manipuler des produits potentiellement dangereux. L'alcool utilisé au départ est très pur, à près de 99°, et l’eau oxygénée très concentrée. Même si en sortie, le flacon de gel contiendra un alcool de 70° environ, et une eau oxygénée diluée à 3%.
En temps normal, il n’est pas possible de stocker si facilement ces produits. “La règlementation européenne en vigueur sur les produits biocides, c’est à dire néfastes pour l’environnement, impose de remplir des dossiers détaillés avant d’obtenir les autorisations administratives. Mais, face à l’urgence de la situation, les autorités ont simplifié la procédure : un décret autorise une dérogation jusqu’au 31 mai 2020, et les entreprises n’ont pas à remplir toutes ces formalités, sous réserve de suivre scrupuleusement la recette délivrée par l’OMS” développe Clément Poutriquet.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a diffusé une note reprenant les questions fréquemment posées, et Bercy tient régulièrement à jour une liste de fournisseurs de matières premières, pour parer au plus pressé. Il faut ensuite éloigner le produit des sources d’inflammation. Pour ce qui est de la production, cela consiste surtout à préserver la sécurité des employés, avec le matériel de protection (lunettes, gants...), et contrôler si les machines ou les accessoires sont adaptés. Les installations doivent s’accorder prescriptions de l’activité classée « savons et détergent », pour les productions de plus d’une tonne.
“Cela nécessite de vérifier par exemple la mise à la terre des installations électriques, et mettre en place des mesures compensatoires, le cas échéant, si l’installation n’est pas parfaite, précise le spécialiste ” Les entreprises demandent beaucoup d’informations. “En matière de formation, nous recommandons par exemple d’affecter à ces productions les personnes les plus expérimentées, ou de mettre en place des formations accélérées. Cela n’est pas très complexe, mais il faut beaucoup de rigueur”, insiste Xavier Touffut. Pour les sociétés qui le désirent souvent les moins aguerries, Bureau Veritas peut venir réaliser un audit sur place, et assister aux deux premières productions. Restera alors à s’assurer que le produit fini possède l’étiquetage de rigueur spécifique aux produits dangereux, et que le transport s’effectue dans les conditions de sûreté conformes.